Laisse-les danser…

Sandvik, Troms

2018:03:08 23:15:00

Laisse-les danser, laisse-les tourbillonner autour de toi et se faire désirer.

Lorsqu’elles se mettent sur leurs pointes et allongent leurs graciles flammes, le froid quitte tes doigts et tes pieds trop longtemps immobiles. Dans ton esprit, cette question qui te taraude et qui provoque cette émotion :  » Seront-elles au rendez-vous ? »

Ici, rien n’est écrit sur du papier à musique, il n’y a pas d’ordinateur ou de super calculateur. Pas de partition ou d’échéancier.

Il est possible que le rideau ne s’ouvre pas, ou bien qu’il ne s’entrouvre qu’à peine. Ce spectacle n’a ni programme ni horaire. Rien n’est écrit car rien ne serait plus désolant et insipide que la répétition sans fin d’un ballet aussi féérique.

Alors tu te surprends, t’émerveilles et penses aux peuples du nord qui jadis leur attribuaient mille et une légendes toutes plus belles les unes que les autres.

Tes yeux vont de droite à gauche, côté cour et côté jardin car elles viennent de passer le rideau de la nuit sans prévenir. Les étoiles les accompagnent, figées dans un décor brodé par une fée qui a semé de paillettes le fond de la scène. Il n’y a alors plus de mot pour décrire les mouvements et les couleurs de cette chorégraphie cosmique. 

J’ai vu des spectateurs avoir les larmes aux yeux, crier de bonheur, rester bouche bée ou trépigner dans la neige. J’ai compris ce jour là l’expression « ne pas en croire ses yeux ». Et pourtant j’aime lorsque le soleil du matin vient caresser les sommets enneigés avant de plonger dans la vallée, j’aime voir la foudre déchirer les nuages pour mieux en souligner leurs circonvolutions, regarder le vent progresser dans un champ de blé vert, mais je ne connais pas de représentation plus belle que les ballerines boréales qui viennent caresser les sommets immaculés , les rivages des fjords assoupis, lorsqu’elles vérifient dans les reflets que leur danse est parfaite.

Les artistes disparaissent soudain derrière le rideau sans te saluer car elles ont vu dans ton regard émerveillé ta profonde reconnaissance d’une attente mille fois récompensée. 

Tu repars, déjà dans l’attente de la prochaine séance, en évoquant les vieilles légendes.
Lorsque tu es revenu chez toi, sous des cieux qui ne connaissent pas ce spectacle, tu te  surprendras  tout de même à les guetter, à les attendre,  tu penseras soudain les voir alors qu’il ne s’agit que d’un vulgaire nuage. Tu te surprends à espérer qu’elles viendront, peut-être, juste pour toi, tenter un petit pas de deux, un petit entrechat, un simple fouetté.

Les ballerines boréales se sont emparées de ton esprit.

Laisse-les danser. Là-bas, là-haut.

Nordlys.