Cercle polaire

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« Le cercle arctique marque la limite sud du jour polaire lors du solstice de juin et de la nuit polaire lors du solstice de décembre. Au-delà du cercle arctique, le Soleil reste au-dessus de l’horizon pendant au moins vingt-quatre heures consécutives au moins une fois dans l’année (soleil de minuit). Réciproquement, le Soleil reste en dessous de l’horizon pendant au moins vingt-quatre heures consécutives une autre fois dans l’année. »    source Wikipédia

Aux alentours de 7h30, le 4 février, le MS/Vesteralen, son équipage et ses passagers franchissent le cercle polaire.

Que représente cette ligne ? Qu’évoque-t-elle ?

L’enfant qui en entend parler pour la première fois, souvent à l’école primaire, l’associe certainement à la glace, aux baleines, aux icebergs, aux peuples du Nord qui s’accrochent à ces terres qui semblent inhospitalières, aux ours, aux aurores boréales.

On pense aussi à tous ces marins qui prenaient des risques fous pour explorer, traquer les baleines pendant des mois, à ces découvreurs qui venaient découvrir ces terres, « évangéliser » les Sámis, cartographier ces terres en vue de s’approprier leurs richesses.

A ce propos, je vous conseille l’excellent roman d’Olivier Truc : « Le cartographe des Indes Boréales » aux éditions Métailié, dont le héros, jeune basque, est venu cartographier au XVIIème siècle,  la Laponie.

Mais revenons à ce cercle, mais plus singulièrement à ce qu’il évoque chez ceux qui le franchissent… Quelques minutes après l’avoir franchi l’équipage organisait une petite cérémonie bon enfant sur le pont arrière recouvert de neige. Les femmes et les hommes sur le pont pensent peut-être endosser quelques secondes le frisson qui soufflait sur Amundsen,  Paul-Emile Victor ou plus récemment Nicolas Vannier. Les membres d’équipage glissent gentiment un peu d’eau glacée et quelques glaçons aux nouveaux « minis-intrépides ».

Une once de fierté, pour certains, d’aller « voir le froid », pour d’autres de se rapprocher un peu de l’axe en bois mythique qui transperçait le globe terrestre que la maîtresse posait sur l’étagère un peu trop haute pour nous, de se rapprocher des fées célestes qui illumineront peut-être le ciel ce soir, de découvrir quelques aspects de la culture Sámi , de ce peuple autochtone, qui vit au nord de la Suède, de la Norvège et de la Finlande ainsi que la péninsule de Kola en Russie.

Je ne sais toujours pas, par quelle étrangeté, comme je le racontais dans mon précédent post, je me sens chez moi ici. Pour quelle raison ce besoin irrépressible de venir ici, hiver après hiver, parcourir les mêmes routes, marcher dans la neige, observer les mêmes phares, les mêmes bateaux, les lacs gelés et les rennes calmes, les aigles des mers qui glissent sur des couvertures de flocons, les îles qui sortent dix fois par jour des nuages,  pour être en quête de cette lumière.

Une lumière qu’on devine en permanence même sous l’averse floconneuse, quand il bruine, quand le soleil revient, lorsque le vent bien frais soulève des myriades de cristaux de glace qui viennent pailleter devant toi un paysage déjà sublime

Franchir ce cercle, c’est pousser la porte d’une salle que tu connais déjà mais qui continue de garder son mystère, une salle à l’histoire tellement riche que tu n’as fait que l’effleurer, dont tu sais qu’elle est menacée par des forces anthropiques qui modifient sa température, son fragile équilibre, sa beauté.

Quelques heures après avoir franchi cette ligne, je prenais cette photo, qui est pour moi le symbole de l’entrée de cette salle magnifique. La sentinelle, le phare de Landego.

Le phare nous éclaire, nous guide. Les maisons à ses pieds nous rappellent que l’être humain y est venu, y a construit, en a fait son abri. La sentinelle me rappelle surtout que cet endroit est unique, mais que pour le mériter, comme sur toutes les parcelles de cette terre, nous ne sommes que de passage et que ce cheminement doit être bref, indolore et  respectueux.

Je m’y sens chez moi, mais mes pas doivent vite s’effacer car ce qui m’accueille ne m’appartient pas.

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Landego Fyr

4 février 2020 67°27’12.876″ N 14°24’32.118″ E

 

 

 

 

 

Le phare et la lune

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68°9’22 » N 14°24’16 » E Moholmen Fyr,  Vågan, Nordland

2016-08-12 21:02:06.00

Le navire poursuit sa route au milieu de l’archipel des Lofoten. Nous sommes encore au delà du cercle polaire arctique mais en cette mi-août, et bien plus au sud que dans le Finnmark, les journées sont maintenant plus courtes.

Une nouvelle fois les lumières de l’arctique tiennent leur promesse.

Nous passons le phare de l’île minuscule de Moholmen tandis que la lune se promène et joue au dessus des reliefs fantastiques des îles Lofoten.

Les îles très découpées, quelques hauts fonds et ce sont des dizaines de balises, de phares qui jalonnent le passage des navires dans le dédale des Lofoten.

Les phares attirent toujours le regard, ils magnétisent notre attention. Il y a quelque chose d’intemporel, peut-être de préhistorique dans les phares. Les premiers feux allumés par l’homme lui ont à coup sûr permis de se repérer .

Les premiers marins ont eu besoin pour le cabotage de feux allumés sur les promontoires et les caps, les premières tours lumineuses parsèment la Méditerranée de Carthage à Catane, de Rhodes à Alexandrie. Même pour celui qui ne navigue pas, le phare rassure, il éclaire, mais d’abord rappelle que l’homme n’est pas seul, qu’il peut compter sur des semblables qui sont venus avant lui pour éclairer son voyage et le rendre moins périlleux. Le phare abrite les histoires et les légendes de ceux qu’il a sauvés, des embarcations qui ne seront pas drossées sur des rochers qui déchiquettent. Pendant longtemps, il est l’antre du gardien, un homme peut-être ombrageux et solitaire mais dont le courage et l’abnégation feront l’admiration de tous ceux qui lui sont redevables.

La lune qui le surmonte n’en est-elle pas sa matrice ? Tant la lune que le phare, ces lumières dans la nuit rappellent que nous sommes vivants, que le chemin existe et qu’aussi fragiles que nous soyons, le chemin est là. Mais la lune n’est qu’intermittente, elle abandonne les hommes pour se consacrer à quelque tache quelques jours par mois tandis que le phare, invention de l’homme qui sait et qui protège, signale le danger et ne faillit jamais.